Confusion entre le compte courant, le compte de dépôt et le compte "pro" qui implique des commissions et frais



Confusion entre le compte courant, le compte de dépôt et le compte "pro" qui implique des commissions et frais
La tâche du juriste, conseil ou professeur, est quasiment impossible tant le marketing et les commerciaux assènent des inexactitudes à grande échelle qui rentrent dans les esprits. Le compte courant est un contrat commercial bien défini, et à l'occasion il peut être bancaire. Pourtant, tout le monde croit avoir ou devoir ouvrir un "compte courant" quand il s'agit d'un compte de dépôt.

La langue juridique est ignorée alors que le compte n'est qu'une convention et que sa définition ne peut-être que juridique

Le compte bancaire peut être de dépôt ou peut être un compte courant.

Le premier est assez largement gratuit pour les principales opérations, notamment les encaissements usuels (virements, chèques...) et retraits usuels (chèques de retrait au guichet ou chèques).

Le compte courant est en revanche la forme juridique largement utilisée avec les professionnels ; il a des effets juridiques propres et, surtout, il n'est pas soumis aux règles protectrices du consommateur, lesquelles ne visent que le compte de dépôt (et désormais le compte de paiement des établissements de paiement) ; du coup, les banques font payer la tenue de ce compte et peuvent donc continuer à facturer des commissions malgré les lois consuméristes adoptées depuis une douzaines d'années.

Mais cela n'est pas du tout compris et encore moins dit ; voyez par exemple chez Banketto, et c'est presque pareil sur tous les sites d'informations bancaires, cette définition parfaitement fausse : "Le compte courant, autrement nommé compte à vue, ou compte chèque est un compte bancaire ouvert auprès d’une banque. Le compte courant permet d’effectuer des dépôts et des retraits."

Pour une définition fausse

En vérité, un professionnel n'a que rarement besoin d'un compte courant ; les règles comptables et fiscales exigent seulement un compte bancaire, qui peut donc être un compte de dépôt, donc essentiellement gratuit ; il suffit qu'il soit réservé aux opérations de l'entreprise (individuelle ou société)... mais les banquiers ne le disent pas et, même, en pratique, imposent un compte courant à tout professionnel afin de se faire payer des commissions de tenue de compte.

Leur pratique a ainsi inventé, mais ce n'est pas une invention juridique, le "compte bancaire professionnel" qui a l'heureuse et principale vertu d'être payant.

Nombre de ces comptes courants ne répondent pas à la définition juridique du compte courant qui exige plusieurs éléments de qualification (voyez notre ouvrage à paraître, Droit bancaire et financier, n° 897 et suivants ; ou tout autre ouvrage académique) ; le compte courant suppose notamment une intention spéciale, la réciprocité des remises et sa généralité (toutes les créances entre les parties y sont portées), toutes exigences que la jurisprudence, bien calée, ne requiert pas du compte de dépôt.

Or la plupart des clients qui signent une convention de compte courant n'ont pas la volonté d'être en compte courant : ils ignorent même l'existence et la spécificité de ce contrat.

On peut relire une convention classique de compte courant pour un peu comprendre la problématique, cliquez sur le lien suivant :

Mon modèle de compte courant entre deux commerçants non banquier

Cette situation extraordinaire, qui parfois échappe aux cours d'appels qui méconnaissent la qualification du compte courant (voyez notre commentaire in TD de droit bancaire, Ed. LexisNexis, 2012), tient en partie à la faible conviction de la doctrine ou, au moins, à l'absence de combat mené contre ces pratiques bancaires, sachant que la problématique semble avoir échappé aux associations qui prétendent défendre les intérêts des clients.

Il y a là cependant des fils à démêler, et spécialement à confirmer la distinction, du reste désormais légale et réglementaire, entre les deux comptes. Il faut la reprendre car, outre la confusion grossière des appellations, la pratique conventionnelle rapproche les deux comptes et il faut affiner pour dire à quoi la différence tient, au plus fin de la chose.

C'est la raison pour laquelle on s'essaye à traiter de ce sujet dans les Mélanges offerts à Jean BEAUCHARD, ouvrage offert à la mémoire de cet excellent juriste qui savait approcher le marché pour mieux en comprendre les ressorts purement contractuels et vice-versa. Il était donc intéressant de réfléchir à ce sujet finalement original : Le marché du compte courant.

En tout cas, le divorce entre les pratiques et le droit actuel - qui est traditionnel - est trop grand pour ne pas entretenir un courant de décisions de justice qui régulent les légèretés de la pratique bancaire, ce qui appelait déjà le présent rappel de principe.

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