hervecausse

Le subsidiaire dans la consultation juridique (dite "cas pratique" à l'Ecole...).



L'Ecole enseigne des réponses sûres. Le juriste voudrait que le Droit soit sûr. Précis. Rigoureux. Logique. Scientifique ! Le juriste voudrait que la machine juridique soit objective, un vrai système (... industriel ou numérique...). Machine juridique plus vaste que la machine judiciaire qui ne voit que le litige, et qui est donc borgne, pour ne disposer que d'un angle de vue sur le "phénomène juridique".

Le juriste souhaite que le système juridique donne des solutions comme une belle horloge suisse donne l'heure : avec cette précision qui laisse admiratif. Toutefois, il admet l'once d'humanité, d'humanisme, d'humain qui peut perturber la pure logique. Perturber ??! Non point ! Cette once appartient au système du logicien juridique qui intègre toujours une pointe d'idéalisme. Passons...

Au plus courant, le juriste voudrait que la loi procède de cette intention scientifique. A défaut il travaille pour un consensus, en vérité scientifique, qu'il appelle "la doctrine", ou la doctrine majoritaire. La minorité menace et rassure : s'il y a une minorité c'est bien qu'il y a une majorité ! L'évidence de la loi, le consensus doctrinal et le sens de la jurisprudence donnent le droit positif et, avec lui, les solutions (positives) de droit.

Le cas pratique montre cependant rapidement les difficultés à formuler des réponses sûres. Ainsi voit-on les limites de la machine juridique scientifique, la fragilité du système juridique. Certes si la difficulté au cœur du cas pratique, au cœur de la consultation, est "grosse comme une maison", la réponse est sûre, la qualification aisée et la conclusion du cas pratique sûre (il y a crime et la sanction pourra être...).

Dès lors que le cas pratique énonce 5 ou 6 circonstances factuelles, sans pouvoir en énoncer à l'Ecole 15 ou 20 (ce serait trop compliqué), l'analyse devient difficile. Le système juridique n'est pas facile à mettre en branle. Le droit positif est difficile à appliquer. L'auteur du cas a beau voulu baliser les choses, diverses incertitudes tenant à l'énoncé ou à la nature des faits, conduisent à formuler diverses hypothèses pour répondre au cas.

Ces hypothèses sont elles-mêmes dépendantes de ce que le juge du fond jugera, au fond, soit de la qualification qu'il retiendra de tel fait. Le contrôle exercé par la Cour de cassation est plus ou moins rigoureux, voire parfois absent (appréciation souveraine du juge du fond), voilà encore un facteur d'incertitude si l'affaire tourne mal (un pourvoi est un drame : 5 ou 7 ans de procédure !).

Le subsidiaire s'infiltre alors dans la consultation. Pour bien répondre, il sera possible (souvent recommandé) de nuancer la réponse. Si la consultation doit conseiller d'assigner, il sera évoqué une demande principale (conclusion du cas) et il sera ajouté qu'une demande subsidiaire pourra aussi servir la demande (si le juge ne retient pas tel point ou telle qualification).

Cette méthode permet de répercuter les incertitudes de l'énoncé dans la réponse.

Si le cas conduit l'auteur de la consultation à défendre, en théorie ou devant le juge, la même méthode vaudra. On retiendra une argumentation principale reposant sur les qualifications les plus attendues, les plus probables, mais on ajoutera un subsidiaire en indiquant qu'il faudra rédiger des conclusions avec un subsidiaire : "si le tribunal devait néanmoins retenir la qualification de... en estimant que..., alors il devra encore débouter le demandeur parce que...".

Le mot subsidiaire prend un tour plus fort lorsque le cas implique une affaire pendante devant un juge.

L'atout du "subsidiaire" ne doit pas tromper : l'argumentation principale demeurera l'essentiel. Mais si les faits prêtent à discussion, si l'énoncé laisse une incertitude, alors, proposer une analyse subsidiaire ("analyse alternative" en langage courant), sera utile.



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